Les étés de poussière
Publié le 22 Octobre 2011
L'anamour me paralysait autant que l'amour, et des mois après, survivant dans ton sillage, la vie sans toi me laissait un goût acre et amer à la bouche, une langue éternellement pâteuse de solitude. Je buvais des cafés en terrasse, tièdes et épais. Les filles jadis jolies et légères étaient sans consistance.
Je regrettais l'acier coupé net des glaciers, leur froid qu'on peut humer à distance. Les grandes chaleurs ramenaient à la surface des odeurs lourdes et nauséabondes comme si la terre était en colère contre le ciel, un ciel trouble comme une plage au sable ondulé. Etait-ce ça l'odeur de l'absence, l'odeur de la mort, à la place du parfum subtile des femmes, de l'exhalaison de leur peau fine et ambrée, toutes choses que l’esprit – ou le thalamus, l'archéocortex, la cingulaire – rejette, comme Saint Pierre reniant le Christ ?
Je revoyais les bêtes instants d'hier où, en proie à l'obsession de t'entendre, je faisais freiner Larry à chaque cabine téléphonique aperçue, et je descendais, le cœur battant à tout rompre ; et bien souvent tu n'étais pas là, et je me disais que de cette chaleur, avec ce ciel bleu, tu avais mieux à faire que de rester à attendre mes coups de fil et qu'à ta place, je serais devenu fou de ne plus oser sortir.
Comme quand - était-ce si longtemps après - j'apercevais en ville la même voiture que la tienne, de la même couleur - mais que ce n'était pas elle le plus souvent.
Ces leitmotivs, ces images marquent comme des flashes obsédants, comme des cauchemars éveillés qui foudroient malgré soi, des mois durant.
C'est à tout cela qu'on sait qu'on est toujours dans le no man's land entre deux histoires, deux épisodes fatidiques de sa vie.
Ce tunnel comme une nuit polaire où il semble que le soleil ne se lèvera plus jamais.